Entretien découverte : Théo Benazzi
Projet: Reconstitution en 4D du Château du Kagenfels.
-
Bonjour Théo, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Théo BENAZZI, je suis actuellement ingénieur géomètre-topographe, diplômé de l’INSA Strasbourg. Ma passion pour les nouvelles technologies et mon ouverture d’esprit sur les outils de création numériques, m’ont fait m’intéresser très jeune à la 3D et à un grand nombre de logiciels associés.
-
Présentez-nous, votre école, votre formation et ce qui vous a poussé à faire une formation d’ingénieur avec cette spécialisation.
J’ai découvert très tôt les métiers gravitant autour de la topographie par le biais de mon père, Géomètre Expert et chef de division Topo & SiG au sein des services de l’état de la Principauté de Monaco. C’est donc naturellement que je me suis tourné vers un BTS géomètre-topographe. A la suite de ce dernier, j’ai eu l’opportunité d’intégrer l’INSA de Strasbourg qui forme au métier d’ingénieur géomètre depuis plus de 100 ans. En 3 ans à Strasbourg, j’ai pu acquérir un large panel de connaissances dans divers domaines gravitant autour de la topographie, tant dans la technique que dans le juridique ou le côté managérial.
- Parlez-nous en quelques mots de ce projet ?
C’est en Septembre 2017 que le sujet m’a été proposé. Il consistait à réaliser une restitution virtuelle 3D d’un château vosgien actuellement en état de ruine, mais également de faire évoluer cette reconstitution au fil des siècles et de l’évolution du lieu, d’où l’appellation reconstitution en 4D !
J’ai donc eu la chance (et aussi l’incroyable opportunité) de collaborer avec Mathias Heissler, Architecte du patrimoine passionné et acteur référent dans la région, de par son engagement pour la conservation du patrimoine historique architectural alsacien et spécialiste du sujet.
Sur ce projet nous ne sommes pas partis d’une feuille blanche, loin de là… Il est le fruit de 23 années de fouilles archéologiques, entreprises par M. Heissler et des dizaines de bénévoles présents chaque année sur le chantier.
De mon côté, j’ai tout d’abord réalisé des relevés sur site par des techniques d’acquisition spécifiques telles que la lasergrammétrie ou la photogrammétrie. A l’aide d’un scanner laser 3D et d’un drone équipé d’un capteur photo, nous avons pu obtenir respectivement un nuage de points très dense (plus d’un milliard de points 3D) et un modèle 3D maillé photo-réaliste de l’édifice actuel.
Ces données constituaient une base de travail exhaustive et précise, indispensable à la poursuite des travaux. Ensuite, c’est par croisement de l’existant et d’hypothèses archéologiques que nous avons pu réaliser une restitution en 4D de cet édifice tel qu’il aurait pu être aperçu au cours des 700 dernières années. A terme, nous avions à cœur de mettre en valeur la donnée produite pour une opération de médiation scientifique et proposer des visuels intéressants pour le grand public. C’est à ce moment que Lumion est entré dans notre Workflow.
Ce qui m’a plu dans ce projet, c’est d’avoir pu gérer l’ensemble de la chaîne de traitement, de l’acquisition de données métriques sur site en passant par le travail de modélisation 3D, jusqu’aux livrables photo-réalistes.
- Dites-nous-en plus sur ce qui s’est passé le 13 Septembre 2018, à Obernai presque un an plus tard…
C’était dans le cadre des journées du Patrimoine, l’Association pour la Conservation du Patrimoine Obernois (ACPO) proposait une conférence intitulée « immersion dans la restitution virtuelle « 4D » du château du Kagenfels ». Mathias Heissler était bien sur présent à mes côtés et m’avait proposé de présenter le film que j’avais réalisé avec Lumion, ainsi que le modèle 3D Temps Réel.
C’était un moment un peu particulier, car c’était la première fois que le film était diffusé, qui plus est devant un parterre de connaisseurs, d’élus locaux, de bénévoles, et de curieux ! Pour moi aussi c’était également une première de prendre la parole devant tant de monde ! Ce soir-là, nous avons eu la chance de faire salle comble devant environ 200 personnes, et les retours ont été plus que positifs, nous avons réussi à transmettre un message et une émotion par le biais de Lumion avec une vidéo de quelques minutes. C’était pour nous l’occasion d’exposer le projet entrepris depuis un an et de rendre hommage aux bénévoles qui travaillent depuis 20 ans sur la restauration de ce site archéologique.
- Quels outils 3D, quels modeleurs avez-vous utilisé ?
J’ai utilisé beaucoup d’outils numériques différents au cours de ce projet, mais pour la modélisation 3D basée sur les nuages de points, j’ai grandement exploité la complémentarité des logiciels Trimble Realworks et SketchUp. Cela fait presque 10 ans maintenant que je pratique SketchUp et le potentiel professionnel de cet outil est incroyable. Je regrette même que celui-ci ne soit pas reconnu à sa juste valeur dans le monde professionnel…
-
Que vous a apporté Lumion sur ce projet ?
Sur ce projet, j’ai pleinement exploité les nouvelles fonctionnalités de la version 8, liées aux détails sur les matériaux tel que le vieillissement ou l’adoucissement des arrêtes. Ces fonctionnalités permettent d’obtenir un niveau de réalisme très intéressant et de manière très intuitive. Ils sont plus difficiles à obtenir sur des logiciels de rendu dits « classiques », cela requiert des compétences poussées en Preset de matériaux et ce n’est pas toujours ce que l’on sait faire sans un apprentissage spécifique. Dans le cadre d’un château comme Kagenfels, l’usure et le vieillissement étaient essentiels à la réalisation des images. J’ai également pioché énormément de contenu dans la bibliothèque complète que propose Lumion, notamment pour les végétaux et pour recréer l’atmosphère de la forêt.
- En quoi Lumion a changé votre manière de travailler ?
J’ai longtemps utilisé des moteurs de rendu physique par lancer de rayons tels que Vray ou Thea Render, avant de découvrir Lumion dans sa version 3. Cette version me paraissait déjà être une révolution, tant le gain en productivité dans le Workflow était significatif, mais nous n’avions pas encore le réalisme d’un moteur de rendu physique. Chaque année, je découvrais la newsletter annonçant les fonctionnalités de la nouvelle version comme une « liste de cadeaux du Père Noël » !!! L’outil ne cesse d’évoluer, et il permet aujourd’hui d’obtenir des résultats incroyables, j’arrive vraiment à associer qualité et productivité, là où les moteurs physiques restent très chronophages, tant en terme de paramétrages qu’en temps de calculs. Par expérience, il y a un facteur 10 en gain de temps de paramétrage d’une scène et un facteur 100 voire 1000 en temps de calcul comparé à un moteur classique. Ce gain en productivité me laisse une grande flexibilité vis à vis de mes interlocuteurs et me permet de faire de multiples propositions tant dans le style que dans le paramétrage des prises de vues. La moindre discussion fait l’objet d’une production d’images pour valider des choix de modélisation ou de matériaux. Avec du recul, envisager ce travail sur le Château sans un outil comme celui-ci deviendrait presque impensable pour un autodidacte comme moi. Pour moi, essayer Lumion c’est l’adopter !
- Quelle est pour vous, la partie la plus excitante de votre (futur) métier ?
Cette vision paraitra assez utopique pour les professionnels du secteur qui liront ce post, mais le plus enrichissant et le plus excitant est de pouvoir avoir la main mise sur l’ensemble de la chaine de traitement. Savoir aborder la partie technique requise pour les acquisitions sur des bâtiments existant tout en restant capable de produire une donnée de qualité et de précision est quelque chose qui me tient à cœur. Si en plus de ça, nous arrivons à communiquer notre travail de manière efficace et provoquer un effet « wouah » auprès des acteurs et décisionnaires d’un projet, nous remplissons amplement notre mission. L’éthique du géomètre consiste à produire de la donnée « précise et de qualité ». Et si les outils que nous adoptons la présentent et permettent de mieux la comprendre comme Lumion sait le faire, alors ce n’est que mieux !
- Et vos projets futurs alors, vos aspirations pour demain ? j’imagine que vous avez reçu des propositions de travail à la sortie de l’INSA ?
A court terme, je m’envole pour les antipodes à la fin du mois, je pose mes valises en Australie à Melbourne plus précisément, avec un visa vacances/travail. Il me permettra d’améliorer mon anglais et d’entrevoir une transition entre ma vie étudiante et ma vie professionnelle. J’ai toujours adoré voyager, c’est une deuxième méthode d’apprentissage pour moi. A mon retour, j’ai beaucoup de projets en tête et beaucoup d’ambitions tant sur le plan personnel que professionnel. Cette année de transition sera pour moi l’occasion de réfléchir et de cibler plus en détail mon avenir mais j’ai la chance avec ma formation, de ne pas avoir de problème à trouver un emploi quitte à le créer soi-même si besoin… qui sait ?
Entretien réalisé par Léa Digoin